Entretien avec Étienne Ruhaud

Né en 1980, titulaire d’un master de Lettres et d’un DUT, Etienne Ruhaud est l’auteur parisien de « Petites fables » (éditions Rafael de Surtis, 2009), « La poésie contemporaine en bibliothèque » (L’Harmattan, 2012) et d’un roman social « Disparaître », (éditions Unicité, 2013). Il dirige le blog littéraire Page Paysage. Il participe aussi à des lectures publiques de textes. Etienne Ruhaud a choisi de m’accorder un entretien autour de mon intérêt pour le dessin et la peinture. C’est avec joie que j’ai accepté sa proposition d’entretien dénotant des autres, habituellement axés sur mes activités  autour des tueurs en série.

Etienne Ruhaud : Quand et comment as-tu commencé à peindre ou à dessiner ? As-tu suivi une formation ?

David Brocourt : J’ai commencé quand j’ai su tenir un crayon entre mes doigts, c’est-à-dire dès quatre ans. Au tout début, je dessinai des choses naïves telles que des canards ou des Pères Noël. Rapidement, toujours de façon enfantine, j’en suis venu aux créatures fantastiques, aux monstres et à des scènes de guerre assez précises faites de soldats se tirant dessus ou de bombardements sur des immeubles habités. Peut-être étais-je inconsciemment influencé par les informations du journal du soir ? C’est probable. Dans les années 80, les médias télévisés avaient moins de filtres que de nos jours et parlaient régulièrement de la guerre du Liban. Le présentateur recommandait souvent aux parents d’éloigner leurs enfants du téléviseur pour leur éviter de voir du sang, des cadavres ou des combats, par exemple.

Mon goût pour les créatures mutantes et monstrueuses provient sans doute du fait que mon père possédait quelques magazines sur le cinéma fantastique. Il les cachait en hauteur, dans le fond d’une étagère et je n’avais pas le droit d’y toucher. Bien sûr, cette interdiction ne faisait que m’attirer d’une façon magnétique vers ces publications.

Ainsi, dès huit ou neuf ans, je découvris les personnages de Chucky, Freddy Krueger et bien d’autres. Ils me terrifiaient mais me fascinaient totalement en même temps. En parallèle, avec mes parents, je pris connaissance de films davantage adaptés à mon jeune âge tels que L’Histoire sans Fin, Les Goonies, Willow, Beetlejuice, Star Wars ou encore E.T. l’Extraterrestre. J’étais friand de films fantastiques et de science-fiction. Plus tard, vers l’âge de dix ans, je franchis un cap en découvrant Robocop, Terminator, Predator et Alien. Je dessinai tout le temps des monstres ou des robots en ce temps-là ! J’en sculptai aussi en pâte à modeler.

À l’adolescence, je me plongeai avec avidité dans des productions horrifiques telles que le sublime Dellamorte Dellamore, Brain Dead, Candyman, Hellraiser, Cabal (Nightbreed) et bien d’autres. Certains de ces films découlent de l’œuvre littéraire de Clive Barker, auteur, réalisateur, scénariste et peintre extrêmement prolifique. Pour en revenir à la saga des films Alien, ce ne fut qu’un peu plus tard que j’appris que le créateur du monstre n’était autre que le peintre et sculpteur suisse, H.R Giger. L’univers qu’il a créé, d’un érotisme sombre et symboliste, m’avait totalement fasciné et c’est encore le cas aujourd’hui. Au-delà de l’aspect morbide, je percevais toute la poésie et le romantisme qui imprégnaient les films d’horreurs.

Leurs nombreuses paraboles sociales et questionnements philosophiques sur la condition humaine entraînaient en moi de profondes réflexions. Les films subversifs des réalisateurs David Cronenberg,  David Lynch et John Carpenter mettaient en abyme nombre de mes questionnements existentiels. Ils me faisaient du bien et m’apportaient des éléments de réponse sur moi-même, à une époque où je cherchai à comprendre qui j’étais et ce je faisais en ce monde.

Je fus très influencé par la bande dessinée, notamment par les comics de chez DC  ou Marvel, sans oublier des dessinateurs comme Enki Bilal, Moebius et Juan Guiménez. J’y puisai des techniques de dessins, le sens des proportions, etc. Tu l’auras compris, je suis 100% autodidacte. Quand vers l’âge de 20 ans, j’ai voulu faire du dessin une activité sérieuse, toutes les portes se sont fermées devant moi. En fait, je peux même dire qu’elles ne se sont jamais ouvertes !

Les écoles, toutes privées, étaient hors de prix et les Beaux Arts inaccessibles car j’avais foiré toute ma scolarité. Mais quand bien même il en aurait été autrement, cette orientation m’aurait été refusée par mes parents qui jugeaient cette voie complètement stérile en termes de débouché professionnel. De toute façon, en ce temps-là, ma priorité était de subvenir à mes besoins suite à un contexte familial défavorable. J’étais frustré et amer, vivant ma passion pour le dessin et la peinture plus ou moins comme un échec ou une passion solitaire de loser.

E.R. : Nombre de tes toiles sont en noir et blanc. Quel est ton rapport à la couleur et au trait ?

D.B. : Je n’utilise pas la couleur essentiellement parce que le rapport ombre et lumière me fascine totalement, ainsi que toutes les nuances de gris que l’on peut obtenir en jouant avec le noir et le blanc. Ce qui m’intéresse aussi, c’est la place du vide dans mes œuvres. Un ensemble de traits tracés sur une feuille compose le sujet dessiné et répartit l’espace qui se trouve autour de lui. Ce dernier exprime lui aussi quelque chose.

On retrouve cette notion dans les estampes japonaises. Dans la culture japonaise, le vide et les espaces sont tout un concept. Celui de MA ( 間 ) qui signifie « intervalle », « durée, « espace », « distance ».

Ce concept ne répond pas à des considérations géométriques mais bien à une intuition liée à l’esthétique et à la continuité. Le MA est l’intervalle entre les traits qui les sépare et les relie entre eux. Dans la calligraphie japonaise, l’essence de la chose étant dans le trait lui-même, jamais on ne l’interrompt brutalement car cela revient « tuer » l’enchaînement et les intervalles vivants qui font la vie du trait. Le trait est alors considéré comme mort.

En observant la calligraphie japonaise, on peut constater que les caractères ne forment pas de traits distincts mais, au contraire, un tout cohérent. C’est pour cela qu’on n’interrompt ou ne reprend jamais un caractère en court de route. Avec le MA, l’idée est de créer un tout vivant.

Le MA n’est donc pas une recherche du vide et ce n’est pas non plus l’exploration du néant. Bien au contraire, c’est le dépassement de la dualité du vide et du plein. L’utilisation des espaces dits « vides » n’a pour fonction que de lui donner un sens. Dans la culture japonaise, le vide n’est donc pas synonyme de néant, contrairement à ce que l’on pense en occident. Il fait partie du plein et l’un sans l’autre ne peut exister. C’est un équilibre naturel et un principe cosmique.

E.R. : Quelles techniques utilises-tu ?

D.B. : Des techniques assez basiques. Je dessine à l’encre de Chine avec une bonne vieille plume à dessin, tout ce qu’il y a de plus classique et je peins à l’acrylique ou à l’encre avec des pinceaux qui ont tous plus de vingt ans. Je prends grand soin de mon matériel et le nettoyant après chaque utilisation, je parviens à le maintenir dans un état plus que correct.

Concernant le dessin à l’encre, je pars toujours d’une esquisse préparatoire au crayon. C’est la première étape. Plus le croquis est précis, plus je vais savoir où aller pendant l’encrage ou le remplissage à la peinture. Bien sûr, je dois veiller à ne pas tuer la spontanéité du trait de l’esquisse préparatoire. Le résultat final en dépend. Il m’arrive parfois de littéralement massacrer la force de vie d’un dessin par un mauvais usage de l’encre ou de la peinture.

En dessin, le concept du MA prend tout son sens dans les esquisses qui ne sont pas forcément perçues comme inachevées mais au contraire, constituent un ensemble de lignes ouvertes pleines de vivacité révélant l’esthétique de l’improvisation. Les puristes ne connaissent pas la gomme et le trait doit être pur, parfait du premier coup.

L’encre de Chine permet de travailler là-dessus. Le droit à l’erreur n’existe pas ! Une bavure pendant l’encrage de l’esquisse tracée au crayon et c’est tout le dessin qui est à jeter à la poubelle. C’est rageant quand ça arrive. Mais parfois, l’accident ajoute au contraire une touche esthétique. Ce qui est intéressant avec l’accident, c’est de chercher à le contrôler pour l’intégrer à sa technique afin de fournir de beaux effets.

E.R. : Tu as écrit un livre, autour de ton rapport aux tueurs en séries,  » Les mots du mal – Mes correspondances avec des tueurs  » publié aux éditions Camion noir en 2018. Tu es par ailleurs collectionneur de murderabilia, autrement d’œuvres  »d’art » produites par des meurtriers, parfois très célèbres. Dans quelle mesure les serial killers t’inspirent-ils ?

D.B. : Ce qui m’interpelle dans les œuvres produites par les tueurs en série ou par d’autres catégories de criminels incarcérés, c’est l’authenticité qui s’en dégage. Souvent produites dans l’inconfort d’une cellule de prison et réalisées avec les moyens du bord, elles racontent quelque chose. J’y trouve un intérêt anthropologique et parfois, artistique. Les œuvres produites par des criminels en disent parfois long sur leur psyché. Si certains sont de simples reproductions, d’autre sont en revanche de véritables projections de leurs fantasmes et de leurs aspirations. Parfois, ce sont des réminiscences de leurs crimes qui livrent des éléments sur leur modus operandi ou leur préférence en termes de victime. Dans tous les cas, les œuvres des criminels sont des documents précieux pour aider à les comprendre.

E.R. : En tant qu’auteur, penses-tu que d’autres formes de création nourrissent ton travail ? La littérature, la musique ou le cinéma ont-ils un impact sur ton activité de plasticien ?

D.B. : Quand je suis en création, je suis totalement absorbé par ce que je fais et ce, pendant plusieurs heures. Je peux dessiner et peindre en écoutant de la musique ou avec la télévision allumée qui diffuse un film de mon choix. Ce que j’écoute ne va pas influencer le sujet en lui-même mais plus le rythme selon lequel je vais le produire. Des musiques sombres, joyeuses, lentes, rapides, organiques ou électroniques auront un effet différent sur mon état de nervosité et sur la tension du trait. Mais je ne fais pas vraiment attention à tout cela sur le moment. Parfois, le silence est bien aussi. Je suis alors beaucoup plus attentif et réceptif à ma propre musique interne, comme par exemple, ma respiration ou la tension que je ressens dans mes muscles. L’exercice devient alors une sorte de méditation ou de gymnastique.

D’une façon plus générale, il me semble qu’évoluant confortablement depuis des années dans un univers culturel sombre, cela influe sur la tonalité de mes productions. D’autres artistes ont eu une influence majeure sur moi. Les peintures de Francis Bacon et de Vladimir Velickovic, les dessins d’Egon Schiele ainsi que les photographies de Joel-Peter Witkin et David Nebreda m’ont bouleversé quand je les ai découverts.

Tu l’auras compris, je suis imprégné par tout un tas de choses. Je passe du temps à lire des livres et à regarder des films. C’est un besoin. Plus particulièrement, l’œuvre littéraire de H.P Lovecraft m’interpelle au plus haut point et j’ai parfois le sentiment de partager, à mon échelle, nombre de ses angoisses existentielles. Cet auteur aura eu le génie de concevoir une œuvre complexe et intense, difficile à restituer en image tant sa force s’exprime avant tout dans l’esprit.

E.R. : Peux-tu nous parler de tes intercesseurs ? Te sens-tu proche de tel ou tel peintre ?

D.B : Les corps peints par le peintre Vladimir Velickovic m’ont toujours beaucoup impressionné. Il y a un peu plus de dix ans, j’avais vu une exposition de ses œuvres dans un centre d’art, au Temple de Chauray (79). J’étais arrivé dès l’ouverture à 13 heures pour n’en partir qu’à 18 heures, gentiment poussé vers la porte de sortie par la personne qui gérait le lieu. Cette exposition fut pour moi une énorme claque. Auparavant, je n’avais vu en vrai qu’une seule de ses œuvres, au musée des Beaux Arts de Pau. Il s’agissait d’un corps d’homme mort, gris et sans tête, reposant sur une table d’autopsie avec l’étiquette d’identification accroché à son gros orteil. En parallèle à la peinture, Vladimir Velickovic a produit une quantité innombrable de dessins à l’encre. Son trait est vif, nerveux et d’une précision chirurgicale absolument stupéfiante ! Toute son œuvre exprime la lutte pour la vie.

Également, les dessins réalisés de façon rigoureuse et compulsive par le peintre autrichien Egon Schiele ont eu sur moi un impact fort. Cet artiste dessinait à la mine de plomb, n’utilisait jamais de gomme et n’hésitait pas à repasser sur ses croquis à des endroits différents pour souligner, de la façon qu’il le désirait, la courbure d’une hanche ou le galbe d’un mollet. Ses dessins sont une véritable exploration frénétique et érotique de l’anatomie humaine. Obsessionnel et autant tyrannique avec lui-même qu’avec ses modèles, il n’avait de cesse de chercher à capturer le corps humain sous tous les angles pour en révéler toutes ses subtilités de la manière la plus crue et authentique qui soit.

E.R. : Tes œuvres représentent généralement des créatures, des chimères anthropomorphes en état de souffrance. As-tu des modèles, ou tout vient-il de ton imagination ? Où puises-tu cette étrange inspiration ?

D.B. : Je ne sais pas si mes créatures sont vraiment en état de souffrance. Certaines ont le sourire et semblent se jouer de leur condition. Elles sont nées comme elles sont et donc, ce que le spectateur pourra prendre comme un état douloureux ne sera que l’état normal de la créature depuis sa conception. Mes monstres n’ont donc rien à regretter, ni même à espérer. Ils sont.

Concernant l’inspiration, je n’ai pas d’autres modèles que ceux qui me viennent à l’esprit. Souvent, je suis devant ma feuille ou ma toile vierge sans trop savoir ce que je vais faire. À défaut d’une idée précise, c’est plus une émotion ou une énergie qui me traverse. Parfois, j’ai bien un thème en tête mais je peux dévier totalement pour partir sur autre chose. Hormis quand j’ai l’intention de dessiner quelque chose ou un personnage déjà existant, je ne sais pas du tout ce que je vais faire. Le sujet sort comme ça.

En général, je ne passe pas plus d’une journée sur une œuvre mais il peut m’arriver de ne pas me précipiter pour l’encrage et d’y passer plusieurs jours. La précipitation n’est pas bonne et peut conduire à faire des erreurs irréparables. Il faut prendre son temps.

Pour me guider, lorsque je réalise des vues complexes du corps sous des angles particuliers, j’utilise mon propre corps et, de temps en temps, des photos de modèles anatomiques. Par exemple, pour les mains, qui sont peut-être la partie la plus difficile du corps humain à reproduire, je m’aide de modèles photos quand je ne contorsionne pas les miennes sous l’angle désiré, au point d’avoir parfois des crampes.

De temps en temps, je puise directement dans des références que j’affectionne, c’est-à-dire le cinéma horrifique ou la littérature fantastique. C’est assez exclusif et c’est plus pour le jeu de l’exercice. Dernièrement, j’ai rendu un modeste hommage à Lovecraft dans une encre mettant en scène un habitant d’Innsmouth en pleine mutation. La nouvelle intitulée Le cauchemar d’Innsmouth est le premier récit de Lovecraft que j’ai lu. J’avais environ quinze ans. Ce fut un choc qui me réconcilia avec la lecture. En ce temps-là, j’y étais plutôt réfractaire parce qu’on voulait me forcer à lire sur des thèmes qui ne me parlaient pas et à renier la bande dessinée que j’affectionnai beaucoup. Mais pour la première fois, je fus complètement absorbé par cette histoire de Lovecraft.

Elle raconte la venue d’un jeune homme amateur de civilisations anciennes désireux d’en apprendre plus sur les origines de la Nouvelle-Angleterre. Il découvre alors Innsmouth, un village côtier puant et crasseux aux habitants étranges. Le jeune homme observe d’étranges anomalies physiques chez eux. Au fil de son enquête, il découvre que les villageois vouent un culte à une divinité impie venue des abysses de l’océan, voire d’une autre dimension, et qu’ils sont tous en train de muter pour pouvoir rejoindre leur idéal dans les profondeurs de la mer afin de vivre éternellement, dans l’émerveillement et la gloire.

Une autre fois, je me suis amusé à faire Elmer, le remue-méninges, créature atypique du film d’horreur des années 80 portant le même nom et qui est une parabole sur la toxicomanie. Elmer est un gros ver plusieurs fois centenaire qui a besoin d’un hôte pour vivre. Afin d’être toléré par la personne qu’il décide d’occuper, il lui injecte une drogue jouissive et ultra-addictive dans la nuque, lui ouvrant alors un éventail de perceptions sublimées mais générant une dépendance foudroyante et douloureuse quand la sensation de manque survient. Depuis son apparition au Moyen-âge, Elmer est passé de main en main ou plutôt de nuque en nuque, tout au long de l’Histoire jusqu’au XXe siècle, rendant complètement fous tous ceux qui devenaient accro à son nectar hallucinogène. Elmer parle et il est philosophe. Au fil des siècles il a eu tout le temps d’apprendre le fonctionnement de l’homme pour mieux en exploiter ses faiblesses et épuiser ses ressources. Ce film est aussi drôle que dérangeant.

E.R : Quel est ton rapport au rêve, au cauchemar ? Peut-on parler d’onirisme ?

D.B : J’accorde une grande importance à mes rêves ou à mes cauchemars. Je m’en souviens souvent et consigne scrupuleusement dans des carnets ceux qui me marquent le plus. Certaines de mes créations en sont directement inspirées.

Je ne sais pas si on peut parler d’onirisme dans mes œuvres mais ce qui est certain, c’est que j’accorde une grande importance au pouvoir de l’imagination. J’aime me dire que les rêves et les cauchemars sont des projections de nos univers intérieurs, des instants appartenant à une autre dimension peut-être aussi vraie et puissante que la réalité elle-même.

J’aime penser que la vraie réalité est dénaturée, tronquée par l’ensemble de nos perceptions sensorielles. En effet, il est admis scientifiquement que notre rapport avec la réalité et la façon dont elle est appréhendée diffèrent beaucoup selon les individus. Le monde de la psyché (inconscient) est peut-être plus authentique, plus entier et moins soumis à la dictature de nos sens, ou encore de notre ego, qui nous induisent parfois en erreur sur l’interprétation que nous nous faisons du monde qui nous entoure et dont nous faisons partie.

E.R. : Ton œuvre demeure assez sombre, marquée par la mort, l’angoisse. L’art est-il pour toi un exutoire ? Peut-il rendre heureux ?

D.B. : En effet, je suis un anxieux de nature. L’Art est pour moi non seulement un exutoire qui me permet d’évacuer mes angoisses mais aussi un outil pour tenter comprendre l’émotionnel et le matérialiser, offrir un regard différent sur le monde. En quelque sorte, c’est une manière de les rendre solide pour mieux les expulser. C’est un moyen de rendre esthétique ou beau quelque chose d’abstrait, de le communiquer au monde pour qu’il existe dans le regard de l’autre et que ce dernier puisse faire part de ses impressions.

Cela me permet d’appréhender mes œuvres d’une manière différente, en prenant compte de l’avis de ceux qui les contemplent et me font des retours. On me fait souvent remarquer qu’il y a dans mes créations quelque chose de Lovecraftien. C’est pour moi le compliment le plus honorifique que l’on puisse me faire. Toutefois, je ne cherche nullement à mettre en image l’univers de Lovecraft mais bel et bien le mien.

Je trouverai toujours intéressant que deux personnes distinctes ressentent et perçoivent le même objet de façon totalement individuelle (Même s’il y a des similitudes dans l’analyse). Les différents points de vue l’enrichissent et lui donnent un sens multiple. C’est par cette multiplicité des regards qu’on accède à des niveaux de réflexions et de compréhensions supérieurs. Je pense qu’en ce sens, l’Art permet d’aider à se comprendre soi et l’univers qui nous entoure, d’accéder à un certain épanouissement intellectuel et spirituel. Il est un moyen parmi d’autres pour devenir acteur de sa vie et tendre vers une certaine harmonie.

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